NAOUM TABET : Aujourd’hui, on va parler des taux d’intérêt. Il ne s’agit pas d’un balado sur notre vision tactique des taux d’intérêt ou un article d’opinion sur une action récente d’une banque centrale. Ces sujets sont largement couverts par de nombreux médias et publications de recherche. Je veux parler de ce taux d’intérêt naturel. Essentiellement, quel est le niveau des taux directeurs qui n’étouffera pas l’économie ou ne créera pas de bulles spéculatives? Je veux me concentrer sur le niveau d’équilibre des taux d’intérêt. Merci d’être parmi nous aujourd’hui! Je m’appelle Naoum Tabet, directeur général à Gestion de Placements TD. Je suis avec Alex Gorewicz, de l’équipe Titres à revenu fixe, qui a une vaste expérience dans tout ce qui touche les taux d’intérêt. Ce concept d’équilibre des taux d’intérêt a fait l’objet d’un modèle et d’un suivi depuis très, très longtemps, je pense que ça remonte au 20e siècle. Il a beaucoup attiré l’attention au début des années 2000 grâce au travail du président de la Réserve fédérale, et il a souvent été cité depuis. Les termes utilisés pour parler du niveau d’équilibre des taux d’intérêt sont R-star, le taux naturel et le taux neutre. En fin de compte, tout cela signifie la même chose. C’est le niveau des taux directeurs qui n’étouffera jamais l’économie ou qui ne va pas créer de bulles spéculatives. Voyons la théorie. Ce concept indique qu’il y a un certain niveau d’incidence sur le niveau d’équilibre des taux d’intérêt qui découle de facteurs économiques à long terme. Les deux principaux facteurs qui jouent sur cet équilibre sont la productivité, d’abord, puis les facteurs démographiques. Comme les niveaux de productivité et les tendances démographiques changent avec le temps, cela se traduit par un niveau d’équilibre des taux d’intérêt qui n’est pas constant à long terme. Ce que je veux dire, c’est que ce niveau d’équilibre peut être à 5 % au cours d’une période ou à 1 % au cours d’une autre période. Donc, les taux d’intérêt n’étouffent pas l’économie et ne créent pas des bulles au fil du temps. J’ai dit plus tôt qu’il y a deux principaux facteurs qui stimulent le niveau d’équilibre des taux, la productivité et les facteurs démographiques. Pour réfléchir à la façon dont la productivité influe sur le taux d’équilibre, eh bien, pour connaître les détails de la mécanique, un document est joint à ce balado. Mais en résumé, le taux R-star augmente quand la productivité augmente considérablement. Pensez à l’invention de l’ordinateur. Et il diminue si rien d’important n’arrive à la productivité. Pensez aux 10 dernières années. L’absence d’une croissance importante de la productivité au cours de la dernière décennie a vraiment exercé une pression à la baisse sur le taux d’équilibre. Et cela pourrait se poursuivre pendant un certain temps. L’autre facteur important qui détermine ce taux d’équilibre est la démographie. À mesure que la population vieillit, les gens cherchent à épargner pour la retraite et ils prennent moins de risques avec leur épargne. Vous savez, vous êtes à la retraite, vous n’avez pas le même flux de revenus. Ils placeront leur argent dans des obligations d’État et sur le marché monétaire, ce qui augmente vraiment la demande pour ces actifs sûrs, comme les titres à revenu fixe. Le vieillissement de la population signifie que plus de gens veulent prêter de l’argent au gouvernement, ce qui abaissera le niveau d’équilibre des taux. Je ne m’attends donc pas à un ralentissement important du vieillissement de la population. Et on croit que les pressions à la baisse sur ce taux d’équilibre se poursuivront. Jusqu’à maintenant, on a beaucoup parlé de théorie. On va maintenant poser la question à un praticien. Maintenant, Alex, qu’est-ce que vous pensez de ce niveau neutre des taux d’intérêt ou de cet équilibre?
ALEX GOREWICZ : Naoum, même si je reconnais que la productivité et la démographie sont les facteurs clés de taux R-star à long terme, je pense, qu’au cours des prochaines années, il y aura beaucoup d’incertitude quant aux autres angles stratégiques qui ont la capacité de changer la perception à l’égard de ces deux facteurs clés... les politiques budgétaires, sociales ou géopolitiques. Je pense que toute cette incertitude exercera des pressions à la hausse sur le R-star par rapport à ce qu’il était pendant la majeure partie des années 2010. Si on s’accorde avec la Fed pour dire que durant de la dernière décennie, le R-star a été en termes nominaux, environ 2 et 1/2 % à 3 %, puis au cours des prochaines années, on va probablement voir une augmentation d’environ un demi-pour cent ou jusqu’à un pour cent, donc 3 % à 3 et 1/2 %. Pour moi, le niveau approximatif est plus important que la mesure précise parce qu’il est impossible de savoir où se situe le taux réel. Mais cette mesure n’est pas utile en soi. C’est un indicateur relatif de la politique monétaire. Donc, si la Fed, au moment de ce balado, avait un taux directeur de 5,5 %, même si mon R-star est supérieur au taux de la Fed, à 3 et 1/2 %, je pense toujours que la politique monétaire est serrée. Et bien sûr, mon point de vue peut changer si certaines de ces incertitudes à moyen terme se dissipent.
NAOUM TABET : Est-il possible que les taux d’intérêt demeurent élevés, à leur niveau d’aujourd’hui?
ALEX GOREWICZ : Je pense que oui. Et c’est autour de cette perception de R-star, qui fixe les taux d’intérêt, surtout à long terme comme les taux à 10 ans et à 30 ans. Je vous ai dit que ma prédiction est de 3 % à 3 % et 1/2 %. Collectivement, le marché ou les investisseurs pensent que c’est plus près de 4 %. Mais la Fed est toujours à 2 et 1/2 %. S’il y a un changement important qu’on a observé cette année, c’est qu’à chaque mise à jour du graphique à points que la Fed publie chaque trimestre, on constate que de plus en plus de membres de la Fed haussent leurs prédictions du R-star. Je dirais que si la médiane des prédictions changeait pour se rapprocher de la mienne, ou du marché actuel, je pense que ça va faire monter les taux d’intérêt près des niveaux élevés d’aujourd’hui.
NAOUM TABET : Voyons les choses dans une perspective contraire. Qu’est-ce qui ferait chuter les taux d’intérêt à un niveau extrêmement bas, voire négatif?
ALEX GOREWICZ : Eh bien, je suis une personne créative, alors je pourrais proposer quelques scénarios. Je vais essayer de résumer ça en quelques facteurs qui pourraient faire baisser le R-star. Je dirais que l’un d’eux est... Je dirais que c’est une destruction permanente de capital. Disons qu’il y a beaucoup de défauts de paiement de la dette d’un acteur économique... les ménages, entreprises ou gouvernements, avec des taux de recouvrement faibles ou nuls. S’il y a un changement structurel plus haut dans la fourchette d’épargne... donc la propension à épargner davantage augmente, ou s’il y a un cycle de désendettement soutenu, je pense que l’un ou l’autre de ces trois scénarios pourrait exercer une pression à la baisse sur le taux R-star.
NAOUM TABET : Merci Alex, vous pourriez peut-être juste nous donner une idée des méthodes que vous utilisez pour prévoir l’intérêt à court et à moyen terme. Qu’est-ce que vous prenez en compte? Qu’est-ce que vous examinez? Comment le modélisez-vous? Comment l’envisagez-vous?
ALEX GOREWICZ : Probablement de deux façons. L’une est fondée sur ce qu’on appelle la théorie des anticipations pures pour les taux d’intérêt. C’est essentiellement de créer une trajectoire de ce qu’on pense que le taux directeur de la Fed sera à l’avenir. Ensuite, on calcule les taux à 2, 5, 10 ou 30 ans selon cette trajectoire, et ensuite, on compare nos taux d’intérêt à ceux d’aujourd’hui. Mais bien sûr, on doit effectuer cette analyse sur plusieurs scénarios parce qu’on doit présumer que la politique de la Fed sera différente selon ce qui se passe dans l’économie. Une autre méthode est d’utiliser les techniques de modélisation statistique pour comparer les taux d’intérêt actuels à un grand nombre de variables fondamentales ou économiques ainsi qu’à des variables des marchés financiers.
NAOUM TABET : Il semble que tout le monde a une opinion sur le niveau des taux d’intérêt, mon père, mon ami qui essaie de choisir entre un taux hypothécaire fixe ou son taux variable actuel. Quelle est la complexité du processus de prévision, est-ce complexe de prévoir les taux d’intérêt?
ALEX GOREWICZ : J’aimerais pouvoir vous donner une réponse succincte, parce que ça serait plus facile de répondre à toutes les questions sur les prêts hypothécaires que je reçois. Dois-je opter pour un prêt à taux variable ou fixe? Mais en fait, c’est un processus à plusieurs niveaux. Ça implique beaucoup de données, beaucoup de modèles, beaucoup de gens ou probablement une vaste expertise. Et la vérité, c’est que j’ai simplifié ma réponse à votre question précédente sur la façon de prévoir les taux d’intérêt parce qu’en fait, ils comportent plusieurs composantes, et chacun de ces éléments doit être disséqué, compris et modélisé. Ce que je veux dire par là, c’est que si vous prenez un taux sur 10 ans, par exemple, il peut être divisé en trois composantes. Vous avez des attentes d’inflation sur 10 ans, vous avez des taux réels sur 10 ans, et la prime à terme de 10 ans. Et si vous êtes vraiment pointilleux, vous pourriez prendre cette prime à terme de 10 ans et les diviser en primes à terme pour les attentes d’inflation et pour les taux réels. En fait, c’est quatre éléments. Mais pour chacun de ces éléments, on doit trouver des données, les nettoyer, les stocker de plusieurs sources probablement. Ça comporte plusieurs dimensions, différents types de données, différentes fréquences, etc. Ensuite, on doit créer des modèles appropriés, ou appliquer diverses techniques statistiques pour chacun de ces éléments selon les données qu’on utilise. Le processus de prévision exige donc beaucoup de collecte de données, beaucoup de capacités de traitement et d’analyse des données. Mais ensuite, on doit interagir avec différents pairs en matière de placement à l’échelle de notre société et de toutes les catégories d’actif afin de pouvoir en discuter, faire des tests, on peut discuter de la validité des résultats de tous ces différents modèles. Et on ne le fait pas seulement pour les titres à revenu fixe où, oui, on a beaucoup d’experts en titres à revenu fixe dans les équipes de gestion de portefeuille, de négociation, de recherche sur le crédit, mais on a aussi ces conversations sur les catégories d’actif où, disons, nos pairs en matière de répartition des actifs ou de recherche sur les actions vont aussi examiner différentes composantes liées aux taux d’intérêt pour leurs besoins particuliers. Et si je devais résumer en une phrase, je dirais qu’il y a beaucoup de complexité, beaucoup de calculs et de collaboration qui entrent en jeu pour faire des prévisions de taux d’intérêt.
NAOUM TABET : Super. Merci, Alex. En fait, pour résumer, il y a un niveau naturel de taux d’intérêt, un niveau d’équilibre qui, si les taux directeurs sont supérieurs à ce niveau, ça aura tendance à ralentir l’économie, et s’il est inférieur à ce niveau, ça pourrait créer une bulle spéculative. C’est en résumé ce qu’on voulait souligner dans ce balado. Mais aussi, on voulait montrer que ce niveau d’équilibre change au fil du temps, et ce n’est pas constant, et en plus, ces taux d’intérêt prévisionnels sont extrêmement complexes et leur calcul nécessite beaucoup d’outils et de ressources, beaucoup de modèles et, évidemment, beaucoup de gens qui ont cette expérience particulière et cette expertise. Merci d’avoir été des nôtres aujourd’hui. Et, s’il vous plaît, ouvrez ce document de réflexion lié à ce balado et lisez-le.
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Le présent balado peut contenir des déclarations prospectives qui sont de nature prévisionnelle et qui peuvent comprendre des termes comme « prévoir », « s’attendre à », « compter », « croire », « estimer » ainsi que les formes négatives de ces termes. Les déclarations prospectives sont fondées sur des prévisions et des projections à propos de facteurs généraux futurs concernant l’économie, la politique et les marchés, comme les taux d’intérêt, les taux de change, les marchés boursiers et financiers, et le contexte économique général; on suppose que les lois et règlements applicables en matière de fiscalité ou autres ne feront l’objet d’aucune modification et qu’aucune catastrophe ne surviendra. Les prévisions et les projections à l’égard d’événements futurs sont, de par leur nature, assujetties à des risques et à des incertitudes que nul ne peut prévoir. Les prévisions et les projections pourraient s’avérer inexactes dans l’avenir. Les déclarations prospectives ne garantissent pas les résultats futurs. Les événements réels peuvent différer grandement de ceux qui sont exprimés ou sous-entendus dans les déclarations prospectives. De nombreux facteurs importants, y compris ceux énumérés plus haut, peuvent contribuer à ces écarts. Vous ne devriez pas vous fier aux déclarations prospectives.
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